À l’origine, La dame dans l’auto avec des lunettes et un fusil est un roman de Sébastien Japrisot, fameux auteur de polars et scénariste pour le cinéma. Paru en 1966, il connut un grand succès et fut adapté par un certain Anatole Litvak en 1970. Cette année, c’est Joann Sfar, auteur de BD et réalisateur de Gainsbourg, vie héroïque, qui signe un nouveau film tiré de l’histoire de Dany. Jeune secrétaire dans une agence de publicité, Dany emprunte la voiture – une magnifique Thunderbird – que son patron lui a confiée au moment de son départ en Suisse. Au lieu de rapporter celle-ci à Paris comme convenu, elle décide brusquement de partir vers le Sud. Mais ce voyage commencé comme un rêve se transforme vite en cauchemar : les personnes rencontrées sur le trajet lui assurent toutes l’avoir déjà vue pendant la nuit… Et tourne à l’horreur absolue lorsqu’elle découvre un nouveau chargement dans son coffre…
Différences
Joann Sfar semble avoir adapté le livre pour en faire un objet beau, pop, sexy. En commençant par son héroïne : Dany Longo (de Rémus dans le film, sans doute pour des questions d’homonymie), jeune fille blonde paumée et meurtrie, devient une femme rousse sûre d’elle, court vêtue, aux poses lascives, enchaînant les mimiques et avec toujours le même refrain : « je n’ai jamais vu la mer » (qui figure seulement au début du livre).
Le personnage de Georges est ici largement schématisé. Le voleur à la petite semaine prend les traits d’un bellâtre italien sans saveur. D’autres personnages importants du livre, largement embellis eux aussi, n’occupent plus que des rôles de figurants et (comme le routier Sourire-Gibbs, sympathique rougeaud à casquette qui devient un jeune homme séduisant aux muscles saillants). Enfin, même le patron Caravaille, pourtant incarné par Benjamin Biolay qu’on a connu plus inspiré, laisse de marbre.
D’une manière générale, l’intrigue, déjà tirée par les cheveux dans le livre, est réduite à peau de chagrin dans le film. Des scènes clés sont raccourcies à l’extrême et l’histoire n’a presque plus de sens. On s’y ennuie ferme. Le dénouement arrive trop tôt, sans surprise. Sfar a clairement privilégié la forme au détriment du fond.
Points forts du film
Malgré la vacuité de son propos, Sfar livre un film avec de plaisantes images, à l’esthétique années 70 : rien ne semble avoir été oublié, des couleurs légèrement passées aux costumes et décors, en passant par les intonations des personnages.
Points forts du livre
Sébastien Japrisot réussit avec brio à se mettre dans la tête d’une femme. Jeune orpheline, élevée par les sœurs et qui se remet difficilement d’une histoire d’amour, Dany Longo est une héroïne attachante. On prend plaisir à suivre son voyage en direction du Sud, avec un premier arrêt à Fontainebleau puis via la Bourgogne, le Rhône, puis à Cassis, Marseille.
Qui gagne le match ?
Si le livre est un agréable polar, le film est mauvais. C’est donc l’œuvre de Japrisot qui remporte le match haut la main.